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PAULINE GERARD née GACOGNE |
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L'école du centre en 1900 |
Frédé à Montmartre , Pauline seule à Gagny avec ses six enfants obtint le poste de gardienne de l'école du centre.
Ses quatre fils, chacun à l’âge de
onze ans, leur certificat d'étude en poche, sont mis successivement en apprentissage. Fernand dans la
maroquinerie, Paulo dans la reliure, Marcel dans l’imprimerie, et en 1908,
Victor, après son service militaire, rejoignit son père Frédé au Lapin Agile.
La pauvre Pauline après avoir perdu la dernière de ses enfant Aline âgée de sept ans en 1900, puis son fils Victor en 1911, blessé mortellement au lapin Agile, voit partir ses trois autres
fils à la guerre en 1914. Malgré son courage, submergée par le chagrin,
elle décéda le 2 mars 1915 à Gagny, sept mois après la
déclaration de guerre.
Ses trois fils soldats n’ont pas pu venir à
l’enterrement.
Paulo, le petit dernier, l’apprit
sèchement par un télégramme.
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Paulo (1915), le brassard au bras en signe de deuil |
Paulo évoquait, les larmes aux yeux, ces moments si douloureux passés dans la boue des tranchées.
Fernand , mon grand-père ne parlait jamais de cette guerre atroce.

Cet enterrement quasiment municipal tant elle était aimée et considérée fut relaté à l'époque dans le journal.
Jeudi
dernier, une cérémonie funèbre des plus imposantes dans sa simplicité avait
lieu dans notre commune. Un catafalque dressé au milieu de la grande porte de
la grille des écoles communales, recouvrait les restes d’une de nos
concitoyennes très estimée, Mme Gérard attachée au service de notre commune
depuis de longues années tout spécialement à celui de nos écoles.
Qui ne la connaissait! elle est morte subitement mardi 2 mars, après avoir la veille même distribuer
comme elle le faisait chaque jour le bouillon de la cantine. Rien ne faisait
prévoir un tel événement aussi la consternation dans le pays était-elle
générale.
La
municipalité a tenu à lui rendre les derniers devoirs comme témoignages
d'estime et de regrets. Une couronne lui a été offerte portant cette
inscription : « A Madame Gérard », la cantine municipale
reconnaissante.
Une deuxième a été offerte par le vice président et le
trésorier de la caisse des écoles. Bon nombres d'autres émanant de diverses
souscriptions des enfants de nos écoles, mais certes la plus touchante a été,
sans contredit, celle faite par les déshérités, ceux ou celles venant chaque
jour matin et soir recevoir le bouillon
et le bœuf que la brave femme leur distribuait si gracieusement depuis le début
de la guerre, c'est-à-dire depuis le 1er août 1914. La collecte a produits 6 francs et
quelques centimes. C'est superbe. Cela nous prouve le cœur de ces pauvres gens
qui ont voulu quand même donner à celle qui les servait depuis sept mois, un
témoignage de reconnaissance.
Après
l’arrêt à l'église le convoi s'est dirigé au cimetière où les enfants des
écoles entourèrent le caveau provisoire où la défunte fut déposée. Là un
discours fut prononcé par Monsieur Lhomme premier adjoint vice président de la
caisse des Ecoles : Mesdames Messieurs,
La
commune de Gagny est terriblement éprouvée depuis l'événement douloureux que
nous traversons outre un grand nombre de ses enfants tomber glorieusement au
champ d'honneur certains autres sont plus ou moins grièvement blessés. Nous
avons encore à déplorer la mort de plusieurs chefs de famille, enlevés à l'affection de leur foyer.
Aujourd’hui, celle qui disparaît que j'appellerai la mère des malheureux était
encore à son poste lundi soir. Pouvais je jamais pensé lorsqu'il y a trois
jours je prenais congé de Madame Gérard, après le service de distribution du
soir effectué, que je la retrouverai le lendemain matin étendu sur son lit de
mort. Cruel destin, voilà de tes coups. Est-il possible d’admettre que cette
femme si vive, si alerte, qui depuis le début de la guerre le 1er août ,
s'était multipliée par son labeur constant à remplir la lourde tâche confiée à
ses soins. La municipalité ayant transformé la cantine scolaire en cantine
municipale. Madame Gérard spontanément c'est mise a besogne de tout cœur préparant
et servant la nourriture à plus de 500 personnes par jour. Elle accomplit cette fonction sans arrêt pendant
sept mois.
Est-il
croyable qu’à l’heure actuelle nous sommes réunis ici pour saluer sa dépouille
mortelle ? O femme aussi modeste qu'énergique je m'incline
respectueusement devant ce cercueil.
La
guerre, je le crains n'a pas été étrangère au coup mortel qui l’a frappée. Mère
admirable, elle ne pensait et ne vivait que pour ses enfants. Le départ de son
fils Paul, le dernier appelé, a produit sur elle une révolution intérieure qui
lui faisait chaque jour “Maudire le Tyran“ qui a déchaîné sur notre pays tant
de ruines et fait tant de victimes. Avec quelle impatience la chère femme
attendait les nouvelles de ses trois fils. Quelle anxiété dans l'attente. Quelle joie à
l'arrivée !… Mme Gérard a été une femme précieuse pour la commune.
Depuis nombre d'années, elle s'occupait des classes de nos écoles ; du
nettoyage, du chauffage etc.
Enfant
du pays, connaissant tout le monde, elle était vraiment maternelle, avait pour
tous un mot aimable, sachant au besoin réprimander lorsqu'il y avait lieu. Que
des fois que deux fois l'avons-nous remarqué à nos promenades scolaires.
En
1908 lors de sa création de la cantine scolaire, Madame Gérard s'est mise à la
disposition de la caisse des Ecoles, accepté avec empressement la charge de
cuisinière. Il fallait la voir à la distribution des aliments, accompagnée de
son aide, avec quel entrain elle servait
aux enfants les mets préparés.
Bon
nombre de ceux qui sont venus lui rendre les derniers devoirs n'ont pas oublié
sa maternelle sollicitude. Combien j'ai apprécié son dévouement dans ce service
de cinq mois d'hiver où, toujours préoccupée de son petit monde, elle n'avait
de repos et de réelle satisfaction, que lorsque les enfants bien lestés,
allaient s’ébattre dans les préaux en attendant la classe.
M. le Maire a bien voulu me déléguer et être
son interprète pour parler au nom de la Municipalité. Que pourrais-je dire de
plus que ce qui vient d'être dit, ce que nous pensons tous.
Madame
Gérard n’a cessé de prêter un concours dévoué à la commission. Que ce soit pour
la caisse des écoles, la Société Musicale, la
Société des commerçants, celle des Pompiers, elle était toujours là,
remplissant ces diverses fonctions avec sa bonne humeur accoutumée.
Elle
a tenu une grande place dans sa modeste situation.
La
commune lui doit de la gratitude. Aussi s'est-elle fait un devoir de lui
prouver.
En
son nom j'exprime à ses enfants nos sentiments de vives condoléances et de sincères
regrets. De longtemps ne pourrons la remplacer. Personnellement je dois à ses
enfants présents et absents un salut ému et respectueux. Chers enfants, vous
pouvez être fiers de votre mère, elle a vécu et travaillé uniquement pour vous.
Je
puis en parler. Depuis sept mois j'ai pu la juger et apprécier. Les fleurs et
couronnes qui couvrent ce cercueil sont un témoignage éclatant d'unanimes
regrets.
Repose
en paix cher et bonne Madame Gérard.
Adieu !––
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