L'école républicaine est
le résultat d'une histoire qui commence à la Révolution française.
Elle est jalonnée de contributions apportées fortes, par ceux qui en furent les acteurs ou les promoteurs : Condorcet, Jules Ferry, Jean Zay... .....Rousseau, Paul Langevin, Henri Wallon,
Elle est jalonnée de contributions apportées fortes, par ceux qui en furent les acteurs ou les promoteurs : Condorcet, Jules Ferry, Jean Zay... .....Rousseau, Paul Langevin, Henri Wallon,
Les principes de
l'instruction publique selon Condorcet
Après
Les Cinq Mémoires sur l’instruction publique (1791-1792), le discours présenté
à l'Assemblée législative en avril 1792 contient l'essentiel de la pensée de
Condorcet en matière d'enseignement. Pensée éminemment importante dans
l'histoire de l'enseignement français, puisqu'elle inspiré tous les progrès
éducatifs réalisés pendant le XIX° siècle, jusqu'à Jules Ferry. En voici les
premiers mots.
Offrir
à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs
besoins, d'assurer leur bien-être, de connaître et d'exercer leurs droits, d'entendre
et de remplir leurs devoirs ; Assurer à chacun d'eux la facilité de
perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales
auxquelles il a droit d'être appelé, de développer toute l'étendue des talents
qu'il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité
de fait, et rendre réelle l'égalité politique
reconnue
par la loi. Tel doit être le premier but d'une instruction nationale ; et, sous
ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.
Diriger l'enseignement de manière que la perfection des arts augmente les
jouissances de la généralité des citoyens et l'aisance de ceux qui les cultivent
; qu'un plus grand nombre d'hommes deviennent capables de bien remplir les
fonctions nécessaires à la société, et que les progrès toujours croissants des
lumières ouvrent une source inépuisable de secours dans nos besoins, de remèdes
dans nos maux, de moyens de bonheur individuel et de prospérité commune ;
cultiver enfin, dans chaque génération, les facultés physiques, intellectuelles
et morales, et, par là, contribuer à ce perfectionnement général et graduel de
l'espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être
dirigée : tel doit être l'objet de l'instruction ; et c'est pour la puissance
publique un devoir imposé par l'intérêt commun de la société, par celui de
l'humanité entière.
Mais en
considérant sous ce double point de vue la tâche immense qui nous a été
imposée, nous avons senti, dès nos premiers pas, qu'il existait une portion du
système général de l'instruction qu'il était possible d'en détacher, sans nuire
à l'ensemble, et qu'il était nécessaire d'en séparer, pour accélérer la
réalisation du nouveau système : c'est la distribution et l'organisation
générale des établissements d'enseignement public.
En
effet, quelles que soient les opinions sur l'étendue précise de chaque degré
d'instruction ; sur la manière d'enseigner ; sur le plus ou moins d'autorité
conservée aux parents ou cédée aux maîtres ; sur la réunion des élèves dans des
pensionnats établis par l'autorité publique ; sur les moyens d'unir à
l'instruction proprement dite le développements des facultés physiques et
morales, l'organisation peut être la même ; et, d'un autre côté, la nécessité
de désigner les lieux d'établissements, de faire composer les livres
élémentaires, longtemps avant que ces établissements puissent être mis en
activité, obligeaient à préciser la décision de la loi sur cette portion du travail
qui nous est confié. Nous avons pensé que, dans ce plan d'organisation
générale, notre premier soin devait être de rendre, d'un côté, l'éducation
aussi égale, aussi universelle ; de l'autre, aussi complète que les circonstances
pouvaient le permettre, qu'il fallait donner à tous également l'instruction
qu'il est possible d'étendre sur tous ; mais ne refuser à aucune portion de
citoyens l'instruction plus élevée, qu'il est impossible de faire partager à la
masse entière des individus ; établir l'une, parce qu'elle est utile à ceux qui
la reçoivent ; et l'autre, parce qu'elle l'est à ceux même qui ne la reçoivent
pas. La première condition de toute instruction étant de n'enseigner que des
vérités, les établissements que la puissance publique y consacre doivent être
aussi indépendants qu'il est possible de toute autorité politique ; et comme,
néanmoins, cette indépendance ne peut être absolue, il résulte du même principe,
qu'il faut ne les rendre dépendants que de l'Assemblée des représentants du
peuple, parce que, de tous les pouvoirs, il est le moins corruptible, le plus
éloigné d'être entraîné par des intérêts particuliers, le plus soumis à
l'influence de l'opinion générale des hommes éclairés, et surtout parce qu'étant
celui de qui émanent essentiellement tous les changements, il est dès lors le
moins ennemi du progrès des lumières, le moins opposé aux améliorations que ce
progrès doit amener. Nous avons observé, enfin, que l'instruction ne devait pas
abandonner les individus au moment où il sortent des écoles ; qu'elle devait
embrasser tous les âges ; qu'il n'y en avait aucun où il ne fût utile et
possible d'apprendre, et que cette seconde instruction est d'autant plus
nécessaire, que celle de l'enfance a été resserrée dans des bornes plus
étroites. C'est là même une des causes de l'ignorance où les classes pauvres de
la société sont aujourd'hui plongées ; la possibilité de recevoir une première
instruction leur manquait encore moins que celle d'en conserver les avantages.
Nous
n'avons pas voulu qu'un seul homme dans l'Empire pût dire désormais : la loi
m'assurait une entière égalité de droits, mais on me refuse les moyens de les
connaître. Je ne dois dépendre que de la loi, mais mon ignorance me rend
dépendant de tout ce qui m'entoure. On m'a bien appris dans mon enfance que
j'avais besoin de savoir ; mais forcé de travailler pour vivre, ces premières
notions se sont bientôt effacées ; et il ne m'en reste que la douleur de
sentir, dans mon ignorance, non la volonté de la nature, mais l'injustice de la
société.
Nous
avons cru que la puissance publique devait dire aux citoyens pauvres : la
fortune de vos parents n'a pu vous procurer que les connaissances les plus
indispensables ; mais on vous assure des moyens faciles de les conserver et de
les étendre. Si la nature vous a donné des talents, vous pouvez les développer,
et ils ne seront perdus ni pour vous, ni pour la patrie.
Ainsi,
l'instruction doit être universelle, c'est à dire s'étendre à tous les
citoyens. Elle doit être répartie avec toute l'égalité que permettent les
limites nécessaires de la dépense, la distribution des hommes sur le
territoire, et le temps, plus ou moins long, que les enfants peuvent y
consacrer. Elle doit, dans ses divers degrés, embrasser le système tout entier
des connaissances humaines, et assurer aux hommes, dans tous les âges de la
vie, la facilité de conserver leurs connaissances et d'en acquérir de
nouvelles.
Enfin,
aucun pouvoir public ne doit avoir l'autorité ni même le crédit, d'empêcher le développement
des vérités nouvelles, l'enseignement des théories contraires à sa politique particulière
ou à ses intérêts momentanés. Tels ont été les principes qui nous ont guidés
dans notre travail.
Rapport et projet de décret relatifs à l'organisation
générale de l'instruction publique
Assemblée législative, avril 1792.